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Pourquoi je n’allaite pas ma deuxième…

27/01/2020

Nous l’avions décidé avant même que tu existes. Avant même que tu pousses dans mon ventre, c’était déjà convenu. Il y aurait un deuxième et on lui donnerait le biberon.

J’avoue, cela a été compliqué. Surtout parce que je ne trouvais pas cela juste, étant donné que ton grand frère Lucas avait eu le sein, et tous les anticorps qui vont avec. Mais ma décision était mûrement réfléchie.


Lucas a toujours été difficile pour ses repas, il a vraiment failli nous rendre fous. Nous savions qu’il y aurait un deuxième, et nous espérions vraiment qu’il serait plus facile avec les tétines. Mais alors, sans allaitement. Toutes ces nuits fracassées, avec des cycles de deux heures de sommeil pour une heure d’allaitement... Je trouvais cela tellement épuisant. Mentalement, je me suis retrouvée au fond d’un gouffre. Il m’a fallu des semaines, voire des mois, pour voir Lucas avec plaisir. Je n’ai pas profité de toute cette période post-accouchement, je voulais que cet enfant disparaisse de ma vue après avoir tété, tellement il était accroché à moi.


Et ton papa qui trouvait fou de voir toute cette énergie s’écouler de mon corps, alors qu’il existait une solution toute prête. Nous avons alors su trouver le juste milieu, et préserver mon côté émotionnel. Nous avons convenu de te donner le sein un jour, pour que tu aies ce fameux colostrum si précieux.

Cela a commencé dès que j’étais enceinte

Nous étions bien décidés, et c’est alors que cela a commencé: quand vous êtes enceinte, je vous donne en mille le sujet de la première brochure que vous recevez... L’allaitement! Comment faire, mais surtout l’importance cruciale de cet or liquide, tout ce que le colostrum apporte au bébé, comment un bon allaitement participe à votre récupération. Bref, c’était décrit comme donner le meilleur de vous-même à votre enfant. Envisager le biberon, c’est passer pour une mauvaise mère.


Mais je n’avais pas oublié la sensation de ces deux melons lourds sur mon corps, je ne me souvenais que trop bien de cette impression de vache laitière en utilisant le tire-lait, je n’ai pas oublié les compresses d’allaitement, les heures sans sommeil, l’épuisement et surtout le fait que je sois indispensable: c’était toujours de moi dont le bébé avait besoin, moi seule pouvait l’apaiser. Le meilleur de moi-même: j’avais beau chercher, je ne le trouvais pas.


Pendant ma grossesse, j’ai volontairement évité de dire à beaucoup de personnes que mon deuxième bébé aurait le biberon, car les réactions ont fusé: "tu verras quand tu y seras", ou "si le bébé boit bien, tu continueras", ou encore "le bébé tombera plus vite malade"...


Même la boîte de Nutrilon que j’avais achetée à la fin de ma grossesse me le rabâchait:  "L’allaitement est la meilleure alimentation pour votre bébé". J’ai trouvé cela dommage, maintenant que ce sujet délicat était tranché. Je ne sais pas pourquoi tant de conseils vont de pair avec l’arrivée d’un enfant.


Et ça ne s’est pas amélioré après l’accouchement. À l’hôpital, j’ai subi une véritable propagande en faveur de l’allaitement. On me demandait si j’étais vraiment certaine de mon choix, et on me disait que ça se passerait très bien. Pour ce dernier point, c’était tout juste: quelle différence avec le premier! La façon dont Lise s’est accrochée à mes mamelons, je n’aurais jamais su mettre Lucas de la sorte avant son premier anniversaire. Quant au lait dont elle a profité dès le premier jour, il avait fallu attendre une bonne semaine pour le premier.

Un beau moment d’adieu

Lise est née à 10h28, un samedi. Le dimanche, à 11 h, nous avons commencé ensemble notre dernier allaitement. C’était un très beau moment. Mes joues étaient inondées de larmes. J’ai vraiment profité de ce dernier moment intime avec toi.


Ton petit corps chaud contre le mien, ta bouche qui tétait avidement. Cet adieu à ce moment faisait bizarre, mais je savais pourquoi je le faisais. Je n’ai pas laissé les émotions l’emporter sur la raison, même si mes hormones tournaient en roue libre dans mon corps. Et c’est bien évidemment à ce moment, dans toutes ces larmes, que la sage-femme m’a dit que je n’étais pas du tout obligée d’arrêter. Elle ne semblait pas du tout comprendre que j’étais triste d’arrêter, alors que je pouvais tout simplement continuer d’allaiter dans le bonheur. J’avais besoin de cet adieu, et je pensais au long terme.


Aujourd’hui, tu reçois des biberons que tu vides goulûment. Tu dois faire plus de rots que ton frère, car tu avales certes plus d’air. Lorsque nous sommes rentrés à la maison, c’est ton papa qui s’est chargé des premières nuits. Cela m’a permis de tellement mieux récupérer de l’accouchement... Par la suite, nous avons fait les nuits à tour de rôle.

Je profite tellement de toi

Je me sens tellement mieux maintenant qu’après mon premier accouchement, je profite tellement de toi. Les dégâts du manque de sommeil sont incroyables. Et j’ai tenu la promesse que je t’avais faite alors que tu étais encore dans mon ventre : tu ne serais pas allaitée pendant des mois, mais tu aurais tellement plus de câlins! Comme j’aime me perdre dans tes yeux qui suivent les miens, et ma voix.


J’aime tellement te voir, et cela me remplit de joie. Ce n’est plus un orage que j’ai au-dessus de la tête: je plane sur un petit nuage rose. Bon, tout n’est pas rose, je l’admets: l’odeur de tes langes est infâme, les bavoirs ne suffisent pas toujours et j’ai des cernes. Mais mon sentiment est tellement meilleur.


Et non, tu n’as pas le sein, mais tu as des câlins et plein d’amour, bien plus d’amour que ce que j’aurais pu donner de lait. Ta maman se sent bien. Je suis tellement plus heureuse de te voir que si tu passais des heures pendue à ma poitrine...


Installe-toi bien dans ton écharpe de portage, savoure ce biberon avec papa, maman, papy, la gardienne... Je serai toujours là pour les câlins. Je t’aime et j’en suis convaincue: l’amour maternel vaut bien plus que le lait maternel.