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J’ai perdu mon enfant seule, en secret, après être tombée enceinte à quatorze ans

25/01/2022
Voix De Maman
Par Voix De Maman

Je suis tombée enceinte à quatorze ans, après un viol. Je ne vais pas m’étaler sur ce sujet, car pour moi il n’a pas beaucoup d’importance, il me permet juste de présenter la situation. Pendant plusieurs mois, j’ai essayé de cacher les symptômes de la grossesse. Je camouflais mon ventre toujours plus proéminent sous des vêtements amples. Je savais que cela finirait par se savoir un jour, mais j’étais dans une position telle que je n’osais en parler à personne. 

Près de quatre mois ont passé après les premiers symptômes. Et là, les choses ont mal tourné. Vraiment. J’avais très mal, et j’ai perdu des litres de sang. Tout a été très vite, et d’un coup, le bébé était là. Je l’ai tenu dans la paume de mes mains. Il était si petit encore, mais bien plus grand que ce que j’aurais pu imaginer. Et il était surtout parfait.


La perfection n’existe pas, paraît-il. Mais si, elle était là, devant moi. Tout y était. Dix petits doigts, dix petits orteils. Un visage adorable. Tout y était. Mon enfant est né après près de vingt semaines de grossesse. 

dessin d'un fœtus

Parfait.
Et pourtant ton cœur ne battait plus
Tes lèvres ne sentiraient jamais ton souffle
Tes fossettes ne se plisseraient jamais
Tes yeux à jamais fermés ont capturé mon regard
Tes petites mains, immobiles et sans force
Tes petits bras qui ne m’enserreraient jamais 
Tes petits pieds qui ne te porteraient jamais jusqu’à moi
Jamais je n’entendrai le son de ta voix
Ne connaîtrai le doux parfum de ta peau
Si fragile mais pourtant
Si parfait 

Personne ne devrait avoir à tenir un enfant qui ne respire pas. J’avais déjà ressenti une grande douleur, mais celle-ci est et sera toujours ma plus grande. J’ai accouché seule, toute seule, en secret. Je n’ai pas osé dire un mot. Moi, qui ai toujours pensé que cela finirait par se savoir, qu’à un moment je ne saurais plus le cacher, je suis restée seule. Avec bien plus de douleur que ce que je pouvais supporter. Je ne me sentais pas mère, alors que je venais de mettre au monde un enfant.


Je n’ai pas osé prendre de photo de mon enfant. Ce que j’ai, c’est le linge dans lequel j’ai enveloppé mon enfant, pour la dernière fois. Une consolation. Voilà ce que c’est. Ce que j’ai, et que personne ne m’enlèvera jamais, qui a la plus grande valeur, c’est l’amour inconditionnel que j’éprouve pour mon enfant. Tellement d’amour. J’ai appris à aimer pour la première fois, dans sa forme la plus pure.

dessin d'une maman avec un enfant

J’ai longtemps eu honte de cet amour pour mon enfant, en raison des circonstances dans lesquelles il a été engendré. Mais maintenant, je laisse une place à mes sentiments, et c’est très bien comme ça. Je refuse de lier ces circonstances à la naissance de mon enfant. Je peux aimer. Je peux chérir. 

 

Ce que je veux faire passer comme message aux femmes qui ont connu ou connaissent une situation similaire, même si je ne souhaite cela à personne, c’est d’accepter vos sentiments, vous avez le droit de ressentir ce que vous ressentez. Même si vous avez l’impression que ce ressenti est déplacé. Je pensais que l’amour n’était pas possible, mais ce n’est pas vrai. Je veux aussi dire qu’il faut en parler, si vous le pouvez. Parler apaise, soigne... même si c’est très douloureux.

Je n’aime toujours pas beaucoup parler de la perte de mon enfant. Je n’en ai parlé la première fois qu’il y a deux ans, après être restée cinq ans seule avec ma peine. Je n’en parle pas avec les gens, peu de personnes le savent, et c’est bien comme ça. Quand j’en parle, c’est douloureux, mais tellement précieux. Me demander comment cela aurait pu être, à quoi ressemblerait mon enfant, quels seraient ses hobbies, etc. Mais aussi parler de la douleur, du manque... C’est tellement important. Ce n’est que quand vous commencez à parler et à partager, que le deuil peut commencer.


Depuis que je parle de mon enfant, je me sens vraiment maman. Je suis une maman. Je n’ai pas osé ressentir ou dire cela pendant longtemps. Mais maintenant, oui, et ça fait du bien. J’ai encore un long trajet devant moi, et sept ans plus tard, le deuil est toujours présent, mais j’avance, pas à pas. Parfois avec des hauts et des bas, mais toujours vers l’avant. Je suis devenue maman d’une petite fille, prénommée Beau. Son nom en dit tellement long...