Que faire si votre enfant revient surexcité de l’école?
Des stimuli constants
Dans le monde scolaire, tout va vite, de manière bruyante, avec beaucoup de choses intéressantes, ennuyeuses, nouvelles, importantes... Des stimuli, encore et toujours. Parfois drôles, parfois moins drôles. Tous touchent votre enfant. Chaque enfant. Toutefois, un enfant hypersensible recevra davantage de stimuli, et les traitera de manière plus complexe, plus en profondeur.
L’offre de stimuli est donc égale, c’est leur perception et leur traitement qui change. Avec un enfant hypersensible, un filtre fait défaut et tout ce qui entre est traité de manière rationnelle, et surtout émotionnelle. Un exemple. Entrons dans la tête d’un enfant hypersensible.
Tout commence avec un son. N’importe quel son. L’enfant va rechercher d’où vient ce son, tout en cherchant dans ses « archives » de sons un son similaire, connu. Tiens, c’est le son du chat qui gratte à la porte de derrière. Ce chat le fait penser à la maison, et à sa maman qui lui manque. Et donc, ce son inconnu ouvre une porte sur le chagrin, une boule dans le ventre, une larme sur le point de rouler. Et ce son, rien que ce son, n’est pas remarqué par tout le monde.
Voilà qu’une odeur passe. Même recherche pour cette odeur, qui évoque plein de souvenirs pour cet enfant, qui effectue plusieurs associations. Et même si cette odeur n’est pas clairement présente, elle peut dégoûter ou distraire votre enfant. Une histoire lue à plusieurs enfants suscitera, chez l’enfant hypersensible, bien plus d’images que dans le livre. Et il n'y a pas que les images, mais aussi l’aventure contée par l’histoire, qui sont vécues par l’enfant, avec plus de tensions que ce que l’enfant veut ressentir.
Et là, les yeux de l’enfant se posent sur le regard désapprobateur de sa maîtresse. Là encore, il va réfléchir, car qui sait, il est peut-être la cause de ce regard... Sa recherche va plus loin, car il tente de trouver comment apaiser sa maîtresse. Et cela continue à l'infini...
L’offre d’informations et de stimuli est la même (images, odeurs, sons, etc.), mais leur vécu, leur traitement change. C’est une montagne russe de réflexions et de ressentis, avec beaucoup trop de loopings, et sans freins.
Une surcharge sensorielle ? Assurément. Des études ont démontré que l’assimilation et le traitement de ce flux continu de stimuli consommait beaucoup d’énergie. Une énergie physique. Sans transpirer et sans le savoir, un enfant hypersensible brûle autant d’énergie qu’un marathonien. Une journée d’école peut même être assimilée à plusieurs marathons. Cela vous paraît déjà plus logique que votre enfant revienne à la maison vidé, épuisé, agité, pleurnichard, ronchon, non ?
Si votre enfant est hypersensible, il est également fort probable que ces journées pleines de stimuli passent inaperçues pour son enseignant. Le matin, lorsqu’il prend son cartable, votre enfant enfile sa peau de caméléon, pour être paré pour l’école.
Pour se fondre dans la masse. Ce n’est qu’une fois rentré à la maison qu’il enlève cette peau de caméléon, fort de votre amour inconditionnel. Et c’est alors vous, chère maman et cher papa, qui trinquez.
Décharge
Ce n’est pas agréable, mais c’est votre mérite : votre enfant se sent tellement en sécurité et à l’abri qu’il sait qu’avec vous, il peut se décharger. Et ce n’est pas gai, mais c’est tellement libérateur. Des larmes et de la morve à n’en plus finir, des cris à s’en déchirer les cordes vocales, ou des bouderies théâtrales...
Et ce n’est pas pour autant que votre enfant est triste ou fâché. Ou que la journée a été abominable ou que la maîtresse est un monstre. C’était juste de trop. Beaucoup trop. Trop de stimuli, qui ont surchargé le système de votre enfant. La pression doit sortir, et cela passe souvent par des cris, des pleurs, des bouderies, ... Après, il pourra à nouveau réfléchir clairement, être calme, se poser, respirer... Vous pourrez alors parler avec lui et découvrir que souvent, il n'y a rien de grave. Et s'il y avait un problème, vous ne pourrez de toute façon en parler avec votre enfant qu’après cette décharge.
Mais comment faire pour aider mon enfant à se décharger aussi vite que possible ?
Tout est dans les petits détails, et non dans des situations pédagogiques difficiles. Voici quelques conseils pratiques qui, je l’espère, vous aideront.
- Postposer la traditionnelle question « Qu’est-ce que tu as fait à l’école » ?
Quand on va chercher son enfant à l’école, nous avons tendance à tout de suite lui poser les questions habituelles... Comment ça a été ? Qu’est-ce que tu as fait ?
En général, vous recevez une réponse générale (« bien », ou « je ne sais plus »), ou une réponse pas très agréable. Mieux vaut attendre que votre enfant soit déchargé pour poser ce genre de questions. Mordez donc sur votre chique et remplacez votre salutation habituelle par le petit rituel suivant : mettez-vous à sa hauteur, et les yeux dans les yeux, dites-lui combien vous êtes content(e) de le revoir.
Et si votre enfant commence à parler, surtout laissez-le faire. N’essayez pas de tout comprendre si son récit commence à être décousu. Gardez en tête ce sur quoi vous voulez revenir le soir. Répétez de temps à autre un mot, afin que votre enfant sache que vous l’écoutez vraiment. - Donner quelque chose à manger à votre enfant
Vous vous souvenez que j’ai parlé de marathon ? Et bien, la fin d'une journée à l’école, c’est comme franchir la ligne d’arrivée de ce marathon. Il est donc important de donner à boire et à manger à votre petit athlète. Ne lui demandez pas « Tu veux une pomme ? », donnez-lui tout simplement une pomme alors qu'il parle, ou que vous lui racontez quelque chose. Juste comme ça, en passant. Veillez à ce qu'il mange, car lorsque le taux de sucre de votre enfant est très bas, et alors qu’il est nécessaire qu’il mange, il est possible qu’il refuse tout net de manger. - Proposer une pause bouillotte
Une fois à la maison, vous pouvez réchauffer un coussin de noyaux de cerises ou une bouillotte, que vous poserez sur ses omoplates. Si votre enfant est installé dans un fauteuil, vous n’aurez aucun mal à le glisser dans son dos. Cela favorisera la détente au niveau d’un endroit important, ou les faisceaux de nerfs se rejoignent. Votre enfant finira par avoir moins mal à la nuque et à la tête, s’il ressent de telles douleurs. - Accorder un temps limité d’écrans
Les parents futés limitent l’exposition des enfants aux écrans. Et c’est une bonne chose. Néanmoins, les écrans permettent une décharge très efficace après l’école. En effet, votre enfant est absorbé par l’écran et ne se préoccupe plus que de cette image. Tous les autres stimuli sont supprimés. Vous pouvez par exemple accorder tente minutes de temps d’écran avec un contenu adapté à l’âge au retour à la maison. N’oubliez pas d’annoncer bien à l’avance que le temps d’écran est bientôt terminé, afin que les choses soient claires. - Se promener ou jouer ensemble
Bien évidemment, la décharge émotionnelle est possible sans écrans ! Promenez-vous en pleine nature à la recherche d’insectes, faites de la balançoire, sautez sur le trampoline, lisez, dessinez, jouez aux Lego, faites du slime ou de la poterie... Concentrez-vous sur vous, plongez-vous dans le jeu ou la création ensemble. Éventuellement avec un casque, pour que votre enfant écoute une histoire ou sa musique favorite. Pas de panique, nul besoin d’organiser un atelier de bricolage alors que la préparation du repas vous attend. La décharge émotionnelle, c’est souvent assez inné. - Faire un gros câlin !
La proximité aide aussi. Prenez donc votre enfant sur vos genoux, et faites un câlin. C’est magique, cela peut apaiser tout le système. À vous de ressentir quand c’est nécessaire. Parfois, le système est tellement surchargé que même un câlin n’est pas perçu comme agréable.
Ventiler
Après tous ces conseils, le système aura la possibilité d’être moins tendu. Savourez le repas du soir, faites une petite promenade, faites votre hobby, puis place au bain. Profitez de ces moments pour parler de l’école. Cela donne de l’espace au partage des soucis, des histoires, des questions. Cela permet de ventiler. Et grâce à tout ça, ce soir, votre enfant s’endormira mieux. Sinon, ces histoires reviendront dans sa tête une fois qu’il sera au calme, et qu’il sera l’heure de dormir. Pour l’aider, posez des questions amusantes et intéressantes. Ici encore, les questions standards ne sont pas une option. Des questions comme « Sur qui ta maîtresse s’est-elle fâchée aujourd'hui ? », « Avec quel copain as-tu bien rigolé ? » ou « Tu étais assis où dans la classe ? » sont autant de questions qui inviteront votre enfant à parler. Et elles vous apprendront bien plus de choses que « Comment c’était, et qu’est-ce que tu as fait ? ».
Si votre enfant est très émotif après l’école, donnez de l’espace à ce sentiment. Car plus ce sentiment pourra exister, plus il retombera vite. Dans cette émotion, une discussion n’est pas possible. Reconnaissez l’émotion en nommant ce que vous observez : ouhlala toutes ces larmes... j’entends que tu cries, tu as peut-être eu une journée difficile... je ressens à ton câlin que tu es content que cette journée soit finie... j’entends tes cris, et c’est ok...
N’essayez pas d’y lier une émotion tout de suite. Ce peut aussi être l’hyperexcitation qui cherche tout simplement la sortie. Tant que votre enfant ne blesse personne, c’est juste une émotion qui doit sortir. Je peux parfaitement comprendre que cela ne soit pas toujours facile à gérer et à accepter, mais laisser couler et reconnaître cette émotion est souvent la voie la plus rapide vers l’apaisement. Et ce n’est qu'une fois dans l’apaisement que vous pourrez voir ensemble d’où venait cette intensité.
Et voilà. Je vous souhaite bonne chance. Tous les conseils ne marchent pas avec tous les enfants. Inspirez-vous-en et adaptez-les à ce qui fonctionne pour vous.
Bieke Geenen est l’auteure du livre Hoogsensitief ouderschap / Zo blijf je als hoogsensitieve ouder in balans.