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Papa est un peu malade

15/07/2021
Voix De Maman
Par Voix De Maman

À mon magnifique fils - Papa est un peu malade. Ou en fait très malade. Parfois, quand tu dors bien au chaud dans ton lit, papa pleure, désespéré, dans mes bras. Il pleure, accablé de chagrin, disant qu'il n’en peut plus. Un soir, il a avalé des comprimés. Depuis trop longtemps, papa se bat contre trop de stimuli, contre des attentes trop hautes, contre la vie. Il est totalement épuisé.

Parfois, papa se fâche aussi, fort. Il court alors dans le jardin en jurant, insultant cette foutue société pourrie dans laquelle nous devons selon lui suivre des règles absurdes, imposées par des décideurs bien plus bêtes que lui. Alors, papa boit pour oublier ses frustrations, ou il cogne ses poings dans les murs, jette des objets... Tout ça pour ne plus sentir cette profonde douleur.


Trop souvent, j’ai peur de papa. Le soir, quand il rage et tempête, perd totalement la réalité de vue, n’a plus conscience de ce qu’il dit et qui il blesse avec ses mots. Je pleure alors pour toi, mon petit bonhomme innocent, en sécurité au pays des rêves, et j’espère que tout ce raffut ne te réveille pas. J’implore tous les dieux de la terre pour que tu ne voies jamais papa dans cet état.


J’ai été injuste envers toi.


Trop longtemps, j’ai cru que la maladie de papa n’aurait pas d'influence sur toi. Heureusement, tu n’as pas connu les pires moments. Les ambulances et les agents de police devant la porte, c’était en général tard le soir, quand tu étais déjà couché. C’était donc facile pour moi de ne pas voir comment tu te recroquevillais quand papa criait. Ou comment tu me regardais à la dérobée pour voir comment j’allais réagir à ce que faisait papa, parce que tu sentais que quelque chose n’allait pas dans son comportement.


Les bons jours, notre famille avait presque l’air normale. Nous allions nous promener dans les bois, et tu courais dans tous les sens en riant. Quand papa faisait du vélo avec toi dans le jardin pendant que je cuisinais. Quand vous gloussiez tous les deux de tes expressions d’enfants, quand vous vous battiez comme des dinosaures. C’était le papa que tu méritais. Ton vrai papa.


Mais tout cela n’est plus. La vérité est toute simple: j’ai été injuste envers toi en espérant si longtemps que ton papa aille mieux. En affichant tous les jours un visage joyeux, faisant fi de la tension ambiante palpable. En me perdant totalement dans la survie, en sauvant les apparences... Au détriment de l’attention que j’aurais dû t’accorder.


Tu mérites un foyer chaleureux.


Papa est maintenant hospitalisé. Les médecins essaient d’atténuer ses idées noires, d’ouvrir lentement ses yeux à toutes les beautés de la vie. Ce sera un long chemin semé d’embûches, car papa ne voit pas encore cette lumière. Il veut être à la maison avec toi, la seule petite lumière qui lui reste. Car papa a beau être vraiment malade, il t’aime de tout son cœur.


Hélas, avec tout ça, je suis épuisée d’avoir essayé de tenir debout. D’avoir anticipé en permanence les humeurs changeantes de papa, d’avoir fait comme si tout était normal. Je suis même trop fatiguée que pour encore ressentir mon angoisse pour papa. J’ai donc pris la décision la plus difficile de ma vie: quitter papa.


Certaines personnes diront que je le quitte alors que c’est maintenant qu'il a le plus besoin de moi. Nous sommes mariés pour le meilleur et pour le pire, non? Les gens trouveront peut-être que je suis égoïste de faire éclater notre famille. Mais les gens qui me connaissent vraiment diront plutôt que j’ai tenu bon longtemps. La vérité est assurément quelque part entre les deux, mais la nuit, je rumine quand même ce que les autres pensent de moi.


Un jour, j’essaierai de t’expliquer que les papas et les mamans sont des gens comme les autres, qui ressentent le chagrin, la douleur et l’angoisse. Que le monde n’est pas blanc ou noir, et que les gens ne sont pas toujours bons ou mauvais. Il y a tellement de nuances de gris. Parfois, les parents ne savent plus quoi faire, mais ils font encore de leur mieux. Parfois, ils se perdent aussi, un peu.


Mais je te promets, mon bonhomme, que je vais fonder un chaleureux foyer pour toi. Comme papa, qui ne veut rien d’autre qu’être le meilleur papa pour toi, même s'il est malade.


Papa et moi restons tes parents. Toujours. Quoi qu'il arrive.


Je t’aime,


Ta maman